Carmen (Nevada), Alan Watt

"Je roulais dans l'obscurité aussi longtemps que possible jusqu'à ce que la tension devienne insupportable et je rallumais les phares juste avant de quitter la route. Je redressais la trajectoire, je me replaçais sur la voie droite et j'éteignais à nouveau. C'est dans une de ces périodes noires que j'ai entendu un bruit sourd et senti quelque chose rebondir sur le pare-chocs avant."

Et voilà comment une soirée tourne mal. Neil Garvin est la star adulée de l'équipe de football américain du lycée de Carmen, Nevada, voisin du miroir aux aloutettes de Las Vegas. En cette saison, tout lui réussit, et les recruteurs des plus grandes équipes universitaires sont prêts à se disputer ses talents.

Mais un jour comme un autre, au retour d'une soirée, Neil tue accidentellement un de ses camarades. Paniqué, il ramasse le corps et le cache dans le coffre de la voiture qu'il a emprunté à son père. Le lendemain, alors que Neil s'apprête à se débarrasser du corps, celui-ci a disparu. Neil comprend que son père, le shérif de Carmen, le couvre, faisant de lui son complice involontaire. S'engage alors un combat psychologique entre un père et un fils aux relations tendues (évoquant par moment le sublime Sukkwann Island de David Vann), sur lesquelles planent constamment l'absence de la mère et la recherche des performance sportives.

Reprenant un propos pourtant éprouvé (j'ai tué quelqu'un par accident : que faire ?), Alan Watt parvient, sans grande prétention, à construire un roman émouvant. Comme dans Un arrière-goût de rouille ou - dans un genre très différent - L'âge bête, les sentiments de l'adolescence sont rendues avec une certaine finesse : la tempête des émotions, les premiers émois, les angoisses métaphysiques, la confusion et les contradictions, mais aussi la lucidité, la loyauté et le poids de l'amitié, et une certaine honnêteté exigeante. Plutôt réussi.

"Je lui montrerais tous ces endroits où j'avais essayé de m'accrocher à mon innocence. Puis je lui montrerais où j'avais tué Ian Curtis sur la route, elle me serrerait dans ses bras et me dirait que j'étais pardonné. Peut-être même qu'elle me dirait que ça ne s'était pas vraiment passé, que ce n'était qu'un rêve. Ensuite on quitterait Carmen et on roulerait pendant des jours jusqu'à ce que le passé s'anéantisse dans le lointain et que je ne me sente plus seul. On roulerait jusqu'à disparaître dans l'air léger."

Commentaires

  1. tentant et si en plus tu ajoutes la référence Sukkwan island...

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    1. On n'a certes pas la mêmepuissance littéraire, mais il y a ce petit quelque chose qui fait qu'on accroche. En parlant de Vann, j'ai pris le 2e, "Désolations". Je me lance bientôt, un peu peur d'être déçue tant le 1er m'avait conquise !

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