Romanzo criminale, Giancarlo de Cataldo - grandeur et décadence de la mafia romaine


"Ils se connaissaient depuis toujours. Ils avaient formé ensemble une bande de gosses, et maintenant ils étaient juste une petite équipe."
Au départ, à la fin des années 1970, la bande, ce n'est pas grand chose, sinon des gamins animés par des rêves de domination de la ville éternelle. Pour atteindre ce but, une seule solution : s'approprier le marché de la drogue. Les premières actions de ces paumés sympathiques paraissent presque des fanfaronnades anecdotiques ... et puis la "famille" prend de l'ampleur, sous la conduite du Libanais, qui, assisté de ses fidèles lieutenants le Dandy, le Froid et le Buffle, et animé par un sens très sûr de la stratégie, tisse patiemment sa toile. 

"Désormais, nous sommes une société, collègues, expliqua le Dandy, les décisions, on les prendra tous ensemble et personne ne jouera plus en solo."
Sous la forme d'un feuilleton, presque d'une série, Giancarlo de Cataldo démonte, d'une façon minutieuse et fascinante, les rouages d'une organisation mafieuse, la bande de la Magliana, qu'en tant que magistrat il connaît bien, dessinant finalement une fresque ambitieuse. De 1977 à 1992, on suit pas à pas, sous une forme assez entrecoupé l'essor, l'apogée et la chute de cette pieuvre, qui lance ses tentacules tous azimuts : de l'extorsion de fonds à la corruption, en passant par le trafic de stupéfiants et d'armes, le blanchiment, les intimidations et les meurtres, le tout géré par une organisation complexe et ramifiée. Car soumettre Rome demande une discipline de fer, qui s'impose de façon violente aux concurrents comme aux traîtres. 

"Ils avaient été près, tout près du cœur du système. Si près qu'ils pouvaient en renifler les relents pourris."Face à la puissante bande, un flic et un magistrat, tenaces mais toujours à contretemps, constamment empêchés de confondre les criminels, se heurtant à la puissance de leur réseau. "Nous avons découvert des choses incroyables. Un fil qui partait de ce que j'appelle la mafia romaine, qui passait par l'assassinat de Moro, l'attentat de Bologne, dix ans d'homicides et menait au bunker d'un service spécial dépendant directement des appareils de l'Etat." Car la famille est puissante, très puissante, dans cette Italie des années de plomb, où les attentats se multiplient, où les mafieux croisent les Brigadistes dans les geôles de la République italienne, où se nouent des relations douteuses entre l'appareil d'Etat, l'extrême droite et le crime organisé, des "connexions services - fachos - pègre". Mais la charnière des années 1980-1990 est aussi celle d'un changement d'ère, qui accélère le déclin et le délitement de la bande.

Pour prolonger la lecture de Romanzo Criminale, différentes options.
Pour un autre magistrat italien écrivain, voir les bouquins de Gianrico Carofiglio, tels que Témoin involontaire, mais selon moins un peu moins bon d'un point de vue littéraire.
Sur la mafia, sicilienne cette fois-ci, il y a du littérairement très bon, comme la trilogie de Piergiorgio Di Cara ou encore son roman Hollywood-Palerme, ou bien sûr la mythique Chouette de Sciascia.
Et sur cette période très particulière des années de plomb, rien n'égale l'excellent et très beau Dolce Vita 1959-1979 de Simonetta Greggio.
Pour élargir un peu le spectre, on peut enfin se reporter au fabuleux essai du journaliste français Philippe Pujol, French deconnection, sur le trafic de drogue à Marseille.

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