Il était une fois l'Algérie, Nabile Fares

"Je reste ici. Oui. Je resterai. Je lutterai contre les monstres, les temps, les dragons."

Nabile Fares, avec une voix résolument originale, fait le récit de la dérive de la jeune Algérie, "dont les gens parlent encore aujourd'hui à cause des décombres de tout un monde qui y a été, en même temps, jeté, enseveli".

Au travers d'une écriture fragmentaire, dans ce qui n'est ni un roman, ni un conte, mais un texte empreint d'une poésie profonde, et marqué par la psychanalyse qui a été son premier métier, Fares (fils du président de l'assemblée algérienne des années 1950) livre sa vision, d'une violence et d'une brutalité crue qui ont fait sombrer le rêve de l'Algérie indépendante pour laquelle il s'est battu. Un texte très beau, mais d'une lecture difficile et exigeante.

"Face à la mer, dans les danses que faisaient les murmures d'eau sous les rochers, je voyais passer des visages, des bouches aux lèvres mouvantes ; ombres qui parlaient vite, comme si elles psalmodiaient, priaient et maudissaient en même temps ; ombres aux cris étouffés qui laissaient entendre une voix, distincte pour moi, celle de Selma, courant dans la ville ; elle qui ne voudrait plus avoir d'enfant qui naîtrait ici"

L’Algérie de Nabile Fares se construit et se transforme constamment, elle est fondamentalement vivante et non prédéterminée, elle évolue d'une manière fascinante. C'est une Algérie dure et fantastique, violente mais humaniste, et peuplée de spectres, de djinns et d'Ogres.

"Il n'y a pas si longtemps, avant que l’œil de l'Ogre ne tombe sur notre terre, existait une langue qui ne tuait pas et vivait comme cette jeune femme, chaque jour, en plus de la nourriture comestible, de paroles, d'écriture, de sons, dans cette école qui avait été construite en un temps où la guerre avait fui, un très court temps, loin de la ville, cette ville où elle avait vécu, la ville des roses, la ville des orangers, la ville au Bois Sacré, la ville au bas de la montagne douce, du nom de Chréa, la ville où étaient passés des poètes, des femmes écrivains, des peintres, tant d'autres qui, sur la route des lumières, des astres, des terres, des mers, des déserts, avaient traversé ou vécu dans la belle ville de Blida"

Une lecture qui clôt le joli défi du Prix France Océans.

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