Black boy, Richard Wright


"A regarder manger les Blancs, mon estomac vide se contractait, et une colère sourde montait en moi. Pourquoi ne pouvais-je manger quand j'avais faim ? Pourquoi faut-il toujours que j'attende jusqu'à ce que les autres aient fini ? Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi certaines personnes avaient assez à manger et d'autres pas" (page 40).

Très beau roman, offert par Cyrille à l'occasion d'un week-end niçois, et lu il y a déjà un moment, mais non encore "chroniqué" pour cause de déménagement suivi d'accouchement. Pourtant, le bouquin vaut vraiment le détour.

Richard Wright y fait le récit bouleversant de son enfance dans le Mississipi ségrégationniste du début du 20e. Le quotidien des Noirs du Sud est fait d'un entremêlement d'humiliations minuscules mais constantes. Les relations entre Noirs et Blancs sont d'une brutalité difficilement imaginable, qu'il s'agisse des échanges verbaux ordinaires, des insultes, des accrochages. La violence crue des lynchages répétés inscrit les individus dans une peur permanente.

Le jeune Richard, au départ, ne se pose pas de questions sur cette situation. Mais en grandissant, il prend progressivement conscience de l'aspect politique et de l'injustice profonde de ce qui est alors véritablement institué en système, un système que seul l'engagement de certains va commencer à ébranler (le roman est écrit en 1945).

Récit autobiographique, critique sociale et, plus encore, travail éblouissant sur la construction de soi. Ce que j'appellerais un roman "avant / après"

"Le rêve que j'échafaudais, tout le système d'éducation du Sud avait pour mission de l'étouffer. L'Etat du Mississippi avait dépensé des millions de dollars pour s'assurer que je n'éprouverais jamais les sentiments que j'étais précisément en train d'éprouver ; je commençais à ressentir ce que les lois de ségrégation des Nègres devaient empêcher de laisser parvenir à ma conscience" (page 288)

Commentaires