Retour à Coal Run, Tawni O'Dell


"Il règne ici une impression d'inachevé, de dénuement"
(page 42).

Une auteur découverte avec le très bon Le temps de la colère, qui se déroulait déjà dans le même cadre, la Pennsylvanie minière et industrielle en crise. Tawni O'Dell poursuit dans Retour à Coal Run cette attachante chronique sociale d'une Amérique sinistrée.

Au milieu des terrils, des décharges, et des usines désaffectées, Ivan Zoschenko, l'adjoint du shérif, est un shérif. Il a fui Coal Run quelque temps après un accident qui a tué plusieurs dizaines de mineurs, parmi lesquels son père ; à la suite de l'accident et de la fermeture de la mine, la cité minière a décliné irrémédiablement, jusqu'à devenir une ville-fantôme.

"Le jour où Gertie s'est effondrée, j'ai regardé mon père partir au travail comme tous les matins. Les hommes de ce quart appelaient ça "le matin", mais pour moi c'était encore la nuit, noire, glacée, silencieuse à l'exception du lointain grondement que produisaient les fours à coke chaque fois que les portes s'ouvraient sur l'enfer rugissant à l'intérieur. De la fenêtre de ma chambre, je les distinguais, alignés sur le flanc de la colline, leurs gueules s'illuminant de rouge avant de replonger dans le noir, à un rythme régulier, dizaines d'yeux embrasés qui clignent en observant notre vallée" (page 9).

Mais le retour d'Ivan remue de vieilles histoires, qui progressivement resurgissent. Il n'a pas réellement digéré l'interruption de sa brillante carrière de footballeur suite à un accident ; il retrouve de vieux démons qui reviennent le hanter. Les écorchés vifs de Coal Run, hantés par le spectre du passé, le poursuivent.

Une écriture assez brute, intense, presque naturaliste, authentique. Des personnages blessés, fragiles, ambigus souvent, la sensibilité à fleur de peau. Des ratés attachants, une auteur pleine de compassion et de sympathie au sens étymologique du terme. Un début peut-être un peu plus poussif que dans Le temps de la colère, mais l'écriture pousse à continuer.

Une critique intéressante sur le site de la revue de sciences sociales Espaces Temps.

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