Vallauris-Plage, Nicolas Rey



Où Barbara – Rose mène sa plage d’une main de fer ; où il faut accoucher, parfois, dans des circonstances scabreuses ; où Arianne a une drôle de manière de payer sa suite au Negresco ; où il est pathétique d’être seul sur la plage.

L’incipit

« Je m’appelle Franck Bastide. Tout le temps de la promenade, j’ai fait le maximum pour me souvenir de ce truc appris en classe, comme quoi le ciel se trouve par-dessus le toit. Aucun mot ne m’est revenu. Pas assez de ciel, je me suis dit »

Comment en suis-je arrivée là ?

Comment, pour une azuréenne, ne pas être interpellée par un tel titre ? Et puis, ça fait du bien de sortir de la littérature italienne après un mois entier consacré à la prose transalpine !

Golfe-Juan (eh oui, parce qu'à Vallauris il n'y a pas de plage ...)

De quoi est-ce que ça parle ?

Franck Bastide, le narrateur, est le colocataire d’une fille plutôt étrange : Arianne Backer … excentrique, extrême, et follement belle, elle fait perdre la tête de tous les hommes qu’elle croise, qu’il s’agisse de Paul Fillacci, un généraliste au look de playboy italien, du major Crawford, un pseudo-père en fauteuil roulant, ou de Manuel Viera, un emploi-jeune de la SNCF aux activités plutôt louches. Tout ce beau monde converge vers Vallauris – plage pour « sauver Arianne des autres et les autres d’Arianne ». S’ensuit, dans ce « carré amoureux », une descente aux enfers d’un genre bien particulier, où les destins se dénouent.

La citation

« Arianne s’installe à une table isolée des autres clients. Elle va commander une coupe de champagne. Elle ressemble à une jeune fille perdue qui remonte lentement à la surface avec une infinie délicatesse. Au lycée, elle avait déjà ce truc enchanté. Elle portait déjà un parfum d’homme et se révélait plus douée pour le sarcasme que les autres filles de son âge. Essayez un jour de lutter contre une fille douée pour le sarcasme qui porte un parfum d’homme. Le regard d’Arianne est un regard sombre. Les hommes devraient se méfier. Un regard de cinéma américain. Un regard à vous donner envie de vous jeter d’un immeuble. Un regard qui vous fait comprendre bien vite que vous n’allez pas sortir indemne de tout ça. » (p. 84)

Ce que j’en ai pensé

Pour tout dire, j’étais parti gentiment dans ce bouquin, sans en attendre grand-chose. Peut paraître un peu banal au départ. Comme dans une gentille lecture de plage ou de sieste (ou mieux, de sieste sur une plage). Et pourtant …

Un ton plutôt sarcastique. Une pincée de satire de série noire, avec un narrateur paumé et affligé d’une terrible rage de dents au nom de laquelle il est prêt aux pires concessions, des personnages tous cintrés à des degrés divers, et tous à la dérive, chacun à leur façon. Un auteur qui se moque un peu de son lecteur, qui l’embarque dans un genre, et bifurque à loisir. Des descriptions pas si bêtes (un beau tableau de la gare de Nice-ville au début de l’été). Des personnages un peu caricaturaux, mais à dessein (une magnifique Barbara-Rose, gérante du Vallauris-Plage, une séduisante Arianne, qui met une belle constance à s’autodétruire au grand dam de ses chevaliers servants), et le drame, qui n’est pas si loin, puisqu’on apprend dès les premières pages que Franck raconte cette histoire rocambolesque à son avocate Candice.

C’est distrayant, rythmé … et prenant ! Malgré quelques points agaçants dans le style, notamment l’abus de points de suspension dans les dialogues, on se laisse agréablement prendre au jeu.

Sans immense ambition, donc … mais pas si mal. On a pourtant le sentiment que l’auteur n’est pas loin de faire beaucoup mieux – il manque quelque chose … mais quoi ? Cela reste simplement délassant (ce qui n’est déjà pas si mal !) Court roman pas désagréable.

Paru chez Grasset en 2006 – en poche : Le livre de Poche, 6 euros – 219 pages.

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